Elisabeth Aubert, témoignage d’une femme ingénieure


Pouvez-vous décrire votre parcours universitaire et professionnel ?
Après une classe préparatoire aux Grandes Écoles, j’ai suivi un double cursus d’ingénieur en physique- chimie à l’ENSIC Nancy et Chimie ParisTech.  A la fin de mes études, je suis rentrée dans le Groupe Gaz de France [actuel ENGIE] à la Direction de la Recherche. Le fil conducteur de ma carrière est la transition énergétique & écologique, je suis personnellement très investie sur ces sujets et il est important pour moi de pouvoir aligner mes convictions avec mon travail.
J’ai, tout au long de ma carrière, travaillé sur des sujets « pionniers », de préparation de l’avenir et en particulier sur la décarbonation des technologies de l’énergie et des assets industriels.
A la Direction de la Recherche, j’ai accompagné dès 2004 le développement de la filière biogaz en France aux cotés des villes & collectivités. Puis j’ai pris la direction de deux projets : un premier projet de recherche puis un projet de démonstrateur industriel d’une technologie de réduction des émissions de CO2 des centrales au charbon. J’ai contribué à cette même période à la première stratégie de lutte contre le changement climatique de Gaz de France, c’était en 2007.
J’ai ensuite rejoint GRDF, le distributeur de gaz naturel en France, pour m’occuper du développement et du déploiement des offres d’énergies renouvelables dans le bâtiment en réponse à la réglementation thermique RT 2012. Puis j’ai piloté une réflexion stratégique pour GRDF sur la durabilité des bâtiments (éco-conception, ACV, économie circulaire) et c’est en parallèle de ce poste que j’ai suivi le Mastère Exécutif Spécialisé en RSE et Développement Durable (MS RSEDD) de Mines ParisTech. Après 10 ans de carrière, c’était un réellement engagement que de se replonger dans les études. Je travaillais déjà sur des projets de RSE et de DD de façon opérationnelle et concrète. Mais j’avais envie d’avoir les apports théoriques nécessaires pour prendre de la hauteur. Je trouvais aussi que ça compléterait bien mon diplôme d’ingénieur. Et c’est effectivement un vrai atout aujourd’hui dans ma carrière, parce qu’avec mon cursus d’ingénieur et ce mastère j’ai la capacité d’appréhender les sujets complexes d’un point de vue technologique & industriel mais aussi environnemental & sociétal.
Après ces riches expériences chez GRDF, on m’a proposé de rejoindre ENGIE University, l’Université Corporate rattachée à la DRH Groupe, au moment où ENGIE accélérait fortement ses engagements pour la transition énergétique. J’ai créé l’activité et le portefeuille de programmes autour de la transition énergétique, la RSE, les nouvelles technologies. Je mets tous les jours à profit mon expertise pour accompagner les collaborateurs dans les transformations du Groupe et les aider à mieux comprendre les enjeux stratégiques et l’évolution de nos métiers. Je suis convaincue que donner du sens et des clefs de compréhension est le premier pas pour susciter l’envie de s’engager, d’être acteur.

Quel est votre lien avec l’Ecole des Mines aujourd’hui ?
Le lien existe depuis longtemps car, dès 2006, on m’a proposé par l’intermédiaire de l’AFG [Association française du Gaz ndlr.] de donner des cours dans le Mastère Ingénierie et gestion du gaz (MS GAZ) de l’École. J’ai formé les élèves sur les enjeux des gaz verts et du biogaz, puis au fur et à mesure de l’évolution de mes postes, sur les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique dans les bâtiments.
En 2014-2015, j’ai été moi-même élève à l’École, puis deux ans après mon diplôme, Jasha Oosterbaan, la Directrice de l’ISIGE et du MS RSEDD, m’a proposé d’intégrer le Comité d’Orientation de ce MS. J’en suis ravie car cela me permet de garder un lien avec le MS, le comité a pour objectif de passer en revue les promotions mais aussi de réfléchir aux orientations à donner au Mastère. Chaque année nous veillons à enrichir le cursus en proposer de nouveaux sujets ou de nouvelles modalités pédagogiques. J’apporte ma contribution à la fois par mes compétences en ingénierie pédagogiques mais aussi sur ma connaissance du contexte industriel et des besoins des entreprises.
Enfin, cette année j’ai postulé pour être au Conseil d’Administration de Mines ParisTech Alumni. J’avais envie en tant que Mastérienne de représenter ma formation, aujourd’hui peu représentée au conseil. Nous sommes dans un monde qui évolue très vite et nos connaissances deviennent de plus en plus rapidement obsolètes. Je suis donc convaincue que les MS sont très importants dans une carrière, pour mettre à jour ses connaissances, continuer à se former pour être en capacité d’innover et de créer de la valeur.

Qu’est-ce qui vous a incité à participer au documentaire Femmes Ingénieures ?
Ce sont mes collègues Valérie Gaudart, directeur du pôle Culture et Communauté et Elisabeth Richard en charge du réseau WIN (Women in Networking), réseau des femmes chez ENGIE qui me l’ont proposé. Elles ont pensé à moi car elles connaissent mon engagement pour la place des femmes dans les métiers scientifiques et d’ingénieurs. Je suis impliquée depuis plus de 10 ans dans le réseau WIN, j’anime notamment un groupe pour créer des conditions de bienveillance, d’entraide, de conseils entre des femmes qu’elles soient nouvelles arrivantes ou en pleine réflexion après 20 ans de carrière. Je suis également marraine et bénévole dans l’association « Elles Bougent » qui a pour objectif d’encourager les jeunes filles à aller dans métiers technologiques et d’ingénieurs.
Participer à ce documentaire est une façon de plus pour moi de contribuer à la place des femmes dans les métiers scientifiques. Et le tournage au Musée de Minéralogie des Mines restera un excellent souvenir !

Quelles sont les racines de votre engagement pour la reconnaissance des femmes dans les parcours scientifiques ?
En classes préparatoires scientifiques, nous étions 40-45 élèves et seulement 5 filles et mon professeur de mathématiques avait dit au premier cours du début d’année « vous êtes beaucoup de filles cette année ». Étrange interpellation n’est-ce pas ? Je peux vous dire que cela vous marque ! Au passage en maths spé., nous n’étions plus que 3. Autour de moi, j’avais beaucoup d’amies qui aimaient les matières scientifiques mais qui se disaient qu’elles allaient échouer et rien n’était fait pour les aider à lever ses barrières. De mon côté, je ne me suis pas posé de questions, j’adorais la physique et la chimie, et même si je ne savais pas vraiment réellement ce que ça représentait car je n’avais pas de modèle dans mon entourage je savais depuis le collège que je voulais être astrophysicienne ou ingénieure.  Et aujourd’hui, je suis fière d’être allée jusqu’au bout. J’invite les jeunes filles à persévérer dans leur rêve. Soyez audacieuses !
Aujourd’hui je constate avec regret qu’il y a encore trop peu de filles en classes préparatoires et dans les cursus scientifiques.  Il faut absolument que, dès l’enfance, les petites filles puissent s’identifier à des rôles modèles en particulier dans les manuels scolaires et les médias et se dire « moi aussi j’en serai capable demain… d’être astronaute ». Mais d’ailleurs combien de fois avez-vous entendu parler de Megan Mc Arthur, actuelle co-pilote de Thomas Pesquet, sans doute la plus qualifiée de l’équipage et celle qui a volé le plus loin jusqu’au télescope Hubble…. Avec le recul je me rends compte que la seule et unique femme scientifique de mes manuels scolaires c’était Marie Curie, c’est peut-être elle d’ailleurs, qui m’a donné l’envie de faire de la chimie.
Ce que j’ai envie de retenir de positif c’est que les choses progressent et particulièrement en entreprises, chez ENGIE nous avons lancé le programme 50/50 avec pour objectif d’avoir 50% de femmes managers dans le Groupe à échéance 2030.

Publié le 15 juin 2021

Découvrir les actualités en lien