KlipFit : une start-up pour réduire l’impact de l’industrie de la mode

Pouvez-vous vous présenter ? Quel a été votre parcours à l’École ?

Je suis Théophile Bousquet, P18. J’ai rejoint l’École après deux ans de prépa. En deuxième année, j’ai participé à la vie associative de l’école, par exemple au week-end d’intégration des premières années. J’ai ensuite choisi de faire une césure avec un premier stage dans la finance à Londres, et un deuxième dans une start-up dans l’immobilier. Ce stage m’a beaucoup plu et m’a motivé à rejoindre l’option Innovation & Entrepreneuriat en troisième année. Je me suis spécialisé en Machine Learning avec le master MVA à l’ENS Paris-Saclay, en parallèle de la 3A. Grâce à l’option, j’effectue mon stage de fin d’étude dans mon entreprise. Avec le double-master, on a pu initier une collaboration avec le laboratoire de Computer Vision de l’École, le CAOR.

Je suis Federico Fortis, P18. J’ai rejoint l’École après deux ans de prépa aussi et j’ai rencontré Théophile dès mon arrivée, puisqu’on était dans la même chambre à la résidence des Mines. Je participais aussi à différentes associations pendant ma deuxième année, en particulier à l’organisation du Grand Gala avec les alumni. Je suis ensuite parti en césure après ma 2A avec un premier stage en Capital Risque et un deuxième stage en Private Equity à Londres. C’est d’ailleurs pendant nos stages à Londres qu’on a commencé à monter ce projet ensemble, et surtout, qu’on s’est rendu compte qu’on voulait y consacrer du temps. L’option Innovation & Entrepreneuriat en troisième année était une belle opportunité, qui nous a permis de travailler sur notre start-up en étant encadrés par Philippe Mustar, puis de faire notre stage de fin d’études au sein de notre propre entreprise.

Théophile Bousquet : pendant la 3A notre projet a beaucoup évolué grâce à toutes les rencontres qu’on a faites durant cette période d’option.

Pouvez-vous nous décrire la start-up que vous avez montée ?

Federico Fortis : KlipFit est née du constat qu’un vêtement acheté en ligne sur quatre est retourné, dans plus d’un cas sur deux pour une mauvaise taille. La croissance du secteur, accélérée par la pandémie, augmente le nombre de retours. Ces colis sont souvent jetés dans des bennes à ciel ouvert, lorsqu’ils ne sont pas bradés. Leur logistique est également très coûteuse, la plupart de ces retours étant gratuits pour les consommateurs. Pour nous, la cause de ce problème réside dans la relation entre les consommateurs et les vêtements qu’ils achètent.

TB : Consommer en ligne dépersonnalise l’achat : alors qu’en boutique il suffit d’essayer, en ligne le consommateur ne peut pas savoir si le vêtement lui plait vraiment, ou quelle taille choisir. KlipFit souhaite recréer ce lien, pour permettre aux gens de mieux consommer, et quelque part de les responsabiliser. Aujourd’hui, nous recommandons à un client sa taille avec précision grâce à deux photos, de face et de profil. Nous analysons sa morphologie, et en fonction de ses goûts, lui recommandons la bonne taille à choisir. Nous voulons permettre une consommation éclairée, et mettre fin aux achats doublon où deux tailles sont commandées pour essayer depuis chez soi et ensuite renvoyer.

FF : Notre business model s’appuie d’ailleurs sur notre relation directe avec les marques. On ne va pas s’adresser aux consommateurs. On vend notre produit aux marques, on est intégré à leur site, le tout sans être visible. On est en marque blanche.

TB : Aujourd’hui, notre cible est l’ensemble des distributeurs (marques ou revendeurs) qui ont une forte présence en ligne. En particulier, les DNVB (Digital Native Vertical Brands) qui ont été créées dans l’ère digitale, et qui sont donc particulièrement sensibles à l’innovation et aux enjeux des retours. Nous couvrons cependant tout type de distributeur puisque notre technologie s’adapte à toutes les marques.

FF : On remarque également un fort intérêt de la part des revendeurs multimarques en ligne puisqu’ils se situent sur une portion très restreinte de la chaîne de valeur, qui est celle de l’interaction avec les clients, qu’on vient fortement améliorer.

Était-ce votre idée de départ ? Avez-vous beaucoup évolué dans le processus de création ?

TB : Initialement notre entreprise s’appelait Arezzo Ateliers, né d’un constat similaire. Au début de nos stages, nous n’arrivions pas à trouver des chemises qui nous allaient, en particulier au niveau de la longueur des manches ou de la largeur d’épaules. L’idée était donc de créer une marque de chemises sur mesure, 100% en ligne, grâce au Machine Learning qui calcule les mensurations des consommateurs. Comme chez le tailleur, mais 100% digital.

De fil en aiguille, on a compris que ce problème de taille se trouvait également au niveau des pantalons, robes, chaussures… à toute l’industrie. On a pivoté et créé cette fonctionnalité de recommandation de taille pour se placer sur un marché beaucoup plus gros : le prêt-à-porter.

FF : Nous avons effectué ce pivot pendant la troisième année : en allant voir des tailleurs et des producteurs de chemises, on s’est rendu compte qu’on n’avait ni l’argent, ni les compétences pour monter une marque, mais que notre valeur ajoutée était vraiment au niveau de la technologie. En échangeant avec des marques de prêt-à-porter et des consommateurs, on a compris qu’il y avait un réel besoin d’amélioration de l’expérience d’achat en ligne pour le prêt-à-porter, en particulier au niveau du choix de la taille.

Quelle est la structure actuelle de votre entreprise ?

TB : Historiquement, avec Federico, on ne séparait pas les tâches par thématique car on venait de la même formation et qu’il y avait tant à faire sur tous les plans : tech, compréhension du problème, du marché, démarches administratives… Maintenant, plus le temps passe, plus notre travail se segmente. Je m’occupe de tout ce qui touche à la R&D et au développement du produit.

FF : De mon côté, je m’occupe principalement du démarchage commercial et du financement.

TB : On a gagné un prix de PSL qui constituait un financement de 10 000€. Ça nous a permis de travailler avec deux freelances qui nous ont aidés à avancer plus vite pour le développement du produit. On reçoit également beaucoup de soutien de la part de la Fondation de l’Ecole, du réseau alumni, ainsi que de notre incubation à Station F.

FF : Notre jeunesse et notre manque d’expérience, en particulier business, sont parfois des freins. On a donc constitué un comité de conseillers plus senior, plus expérimentés, qui nous aident sur nos problématiques stratégiques, dont deux alumni de l’École.

Quelles sont les prochaines étapes ?

TB : La prochaine étape est donc de lancer le produit grâce à notre premier partenariat avec une marque. Il s’agit d‘une marque de prêt-à-porter pour hommes, la première qui nous a fait confiance. Deux autres marques 100% digitales nous aident à construire et tester notre produit, nous allons nous intégrer sur leur site dans les prochaines semaines également. Pour l’instant on se concentre sur les premiers retours clients, les premiers retours utilisateurs, qui vont nous permettre d’améliorer notre produit. On continue le travail de recherche avec le laboratoire CAOR (où j’ai fait mon stage) des Mines. Le but est de perfectionner la technologie, de la complexifier pour avoir un outil encore plus puissant et précis que la compétition.

FF : On commence aussi à réfléchir au recrutement. On a récemment été labellisés deeptech par Bpifrance, qui distingue les innovations de rupture, nécessitant un temps de recherche long et qui requièrent beaucoup de compétences techniques. Nous souhaitons donc utiliser ce support pour recruter des profils techniques et ainsi creuser notre avantage technologique.

TB : D’ici l’année prochaine, on souhaite également être rejoints par des profils différents du nôtre, plus commerciaux, pour accélérer sur la recherche de clients.

FF : Jusqu’à présent, on a tout développé nous-mêmes, sans véritablement de coûts, grâce à la bourse de la Fondation et le Prix PSL-Pépite. Pour l’instant on est plus concentrés sur des financements « non-dilutifs », type subventions ou prêts. Pour accélérer, on se dit qu’un tour de table de financements « dilutifs » pourrait être intéressant l’année prochaine.

Quand vous avez commencé votre première année aux Mines, pensiez-vous à l’entrepreneuriat ou c’est arrivé pendant les études ?

TB : Pour moi, pas du tout. Il n’y a pas d’entrepreneur dans mon entourage familial. En sortant de prépa, je m’imaginais plutôt suivre des cours de sciences comme en thermodynamique ou en physique quantique.

FF : de mon côté, l’entrepreneuriat était plutôt familier puisque mon père est entrepreneur. Cependant, je m’étais toujours convaincu que ce n’était pas fait pour moi, sûrement par peur. En rentrant aux Mines, j’ai vite compris que je préférais les cours d’économie et de comptabilité aux sciences dures. C’est pendant les stages que je me suis rendu compte que l’entrepreneuriat était peut-être pour moi. Quand on était à Londres avec Théophile, on a commencé à vraiment y réfléchir et à développer le projet. C’était en période de covid, donc on avait un peu de temps le soir en sortant du bureau. Aussi, c’était une année particulièrement effervescente pour les startups et les levées de fonds, donc toutes ces circonstances nous ont vite motivés.

TB : Mon premier contact avec l’entrepreneuriat est passé par ma famille de parrainage puisqu’il y a un entrepreneur. J’ai vu que ça se faisait et que ce n’était pas rare. Il y avait des gens qui réussissaient et s’épanouissaient donc pourquoi pas nous.

Comment la Fondation vous a-t-elle accompagné pour le développement de votre entreprise ?

FF : La bourse de la Fondation dans un premier temps nous a permis de financer notre incubation à Station F et de vivre au quotidien, puisqu’à partir de fin mars, on a reçu 600€ par mois de la Fondation.

TB : Dans un second temps, la Fondation nous a beaucoup aidés via notre professeur Philippe Mustar. Il nous a permis de rencontrer Stéphane Delacote, qui nous a présentés à énormément de monde, à la fois des chercheurs, des investisseurs, des prospects. Son aide nous a fait gagner du temps, et a constitué la première marche du passage d’un projet étudiant à une réelle entreprise. Par ailleurs, quand on se posait des questions sur le financement, on a pu rencontrer Antoine Battistelli qui nous a conseillés et a réfléchi avec nous à des solutions possibles.

Publié le 18 octobre 2022

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