Dans le cadre de la réforme du Cycle Ingénieur civil, la pédagogie a évolué vers une approche immersive, privilégiant les projets multidisciplinaires intégrant conception, modélisation et prototypage. Cette méthode, basée sur l’apprentissage par la pratique (learning by doing), permet aux élèves de développer des compétences opérationnelles en situation réelle et de se confronter aux défis concrets du monde professionnel.

C’est dans cette dynamique que la Fondation Mines Paris soutient Underwater 2025, un programme d’ingénierie, d’une durée de trois mois, en deuxième année, conçu pour associer technologies de pointe et recherche scientifique. Ce programme est porté par l’initiative pédagogique « Mines Paris pour l’Océan », dirigée par Franck Guarnieri et Sébastien Travadel, qui vise à sensibiliser les futurs ingénieurs aux enjeux environnementaux et aux défis technologiques liés aux milieux marins.

Depuis le 10 mars, 33 élèves se consacrent à cette aventure technique et scientifique sur le campus Pierre Laffitte, à Sophia Antipolis, où ils mobilisent leurs savoirs pour concevoir des solutions innovantes d’exploration sous-marine.

Explorer les grandes profondeurs : un défi d’ingénierie

L’exploration des grands fonds marins constitue un enjeu majeur pour l’ingénierie. Ces environnements, encore largement inaccessibles, sont soumis à des conditions extrêmes – forte pression, obscurité totale et températures très basses – qui rendent leur étude complexe. Pourtant, ils abritent une biodiversité exceptionnelle, avec des espèces encore méconnues dont certaines pourraient détenir des applications scientifiques et biomédicales prometteuses.

Parmi ces organismes, les éponges marines jouent un rôle écologique fondamental et possèdent des propriétés biochimiques uniques. Certaines d’entre elles produisent des molécules bioactives aux vertus anticancéreuses, antibactériennes et neuroprotectrices. C’est dans cette optique qu’Underwater 2025 s’intéresse particulièrement à l’éponge Latrunculia citharistae, une espèce contenant des alcaloïdes bioactifs aux potentielles applications thérapeutiques.

éponge Latrunculia Citharistae
Dans le cadre de leur mission, les élèves mèneront des opérations d’identification et de prélèvement au large de Nice et Villefranche-sur-Mer, une zone réputée pour la richesse de ses habitats sous-marins. En s’appuyant sur des technologies avancées en robotique marine, ils tenteront de collecter des spécimens afin de permettre l’analyse de leur composition chimique et d’évaluer leur potentiel pour le développement de nouveaux traitements médicaux.
Le Tombant des Américains, le site de recherche de l’éponge

Un système innovant combinant robotique de surface et sous-marine

Pour répondre aux exigences de cette mission, les élèves conçoivent un dispositif de robotique marine et sous-marine combinant un catamaran autonome et un drone submersible, permettant une exploration précise et sécurisée des profondeurs.

Le catamaran de surface, conçu pour évoluer en autonomie ou sous pilotage à distance, servira de station mobile pour un ROV (Remotely Operated Vehicle), un drone sous-marin spécialement équipé pour la capture de données et le prélèvement d’échantillons biologiques. Grâce à ses capacités techniques avancées, il pourra atteindre 200 mètres de profondeur, une zone où les conditions extrêmes rendent l’exploration particulièrement complexe.

Ce dispositif repose sur une architecture technologique performante, intégrant plusieurs éléments clés :

  • Un catamaran téléopéré, muni de capteurs environnementaux pour mesurer des paramètres tels que la température, la salinité et la turbidité de l’eau. Grâce à ses systèmes de communication haute performance, il assure une liaison constante entre la surface et le ROV, garantissant ainsi un pilotage précis et sécurisé.
  • Un drone sous-marin filoguidé, équipé de caméras haute résolution retransmettant des images en temps réel, essentielles pour la cartographie des fonds marins et l’identification des espèces. Son bras robotisé lui permet d’interagir avec son environnement et de prélever des échantillons biologiques avec une grande précision, tout en minimisant l’impact sur les habitats explorés.
  • Un poste de pilotage à terre qui contrôle et supervise le catamaran et le ROV.
Le ROV Annie développé par les élèves d’Underwater 2024

Le projet est développé en partenariat avec des institutions de référence telles que le CNRS / LEEISA de Guyane, l’IFREMER (centre de robotique sous-marine de Toulon), le Centre National d’Instruction Nautique de la Gendarmerie Nationale (CNING) et l’école production, Je Fabrique Mon Avenir (JFMA), de la Seyne sur mer, qui mettent leur expertise en chimie et biologie marine, en robotique sous-marine et en exploration des écosystèmes profonds au service des élèves.

Un projet à fort impact scientifique et technologique

Grâce à un financement de 14 000 euros accordé par la Fondation Mines Paris, les élèves bénéficient des ressources nécessaires pour concevoir et optimiser leur système d’exploration. Ce soutien leur permet d’accéder à des équipements de pointe, d’expérimenter des solutions innovantes et de perfectionner la conception du catamaran et du drone sous-marin afin d’améliorer leurs performances.

Outre les avancées en robotique autonome et téléopérée, ce projet constitue une véritable avancée scientifique. Il permettra d’approfondir les connaissances sur les écosystèmes marins et d’ouvrir très certainement de nouvelles perspectives en écologie sous-marine, en particulier dans les zones au-delà de 100 ou 200 mètres de profondeur, où la biodiversité reste largement méconnue.

Ces recherches pourraient également conduire à des applications biomédicales majeures, notamment en identifiant des composés bioactifs d’intérêt thérapeutique. Certaines espèces, comme les éponges marines, sont déjà étudiées pour leurs propriétés antibactériennes et anticancéreuses, avec des perspectives prometteuses en oncologie et en lutte contre les infections résistantes aux antibiotiques.

En intégrant les dernières avancées technologiques à une approche scientifique appliquée, Underwater 2025 illustre la synergie entre ingénierie, sciences de l’environnement et biotechnologie marine. Ce programme pédagogique met ainsi en lumière le rôle clé de l’innovation technologique dans la recherche océanographique et la préservation des écosystèmes sous-marins.

Maintenance du ROV Wall-Y dévelopé par les élèves d’Underwater 2024
Enfin, il constitue un formidable terrain d’apprentissage pour les élèves, leur offrant une expérience immersive et concrète à la croisée de l’ingénierie, des sciences marines et du développement technologique. Il les prépare à relever les grands défis de l’exploration océanique, tout en leur permettant d’apporter une contribution tangible à l’avenir de la recherche marine et biomédicale.