Quentin Huet (IC P22) a profité de sa césure pour se lancer le défis de relier Paris à Hanoï en auto-stop en, 100 jours, pour l'association Lazare. L'objectif de cette expérience était avant tout associatif mais également une manière de vivre une aventure personnelle riche en découvertes.

Pouvez-vous vous présenter ? Quel a été votre parcours à l’École ?

Je m’appelle Quentin Huet, et suis actuellement en 3ème année du Cycle Ingénieur Civil. Je suis entré à l’École via le Concours Commun Mines Ponts, et ai suivi le cursus « classique » de l’Ingénieur Civil : première année, deuxième année, césure, troisième année.

Pouvez-vous nous décrire votre projet ? Qu’est-ce qui vous a motivé à le lancer ?

En 2ème partie de césure, je me suis lancé dans le projet suivant : relier Paris à Hanoï en auto-stop, en 100 jours, pour l’association Lazare. L’objectif de ce projet était multiple.

Associatif, d’abord. En effet, j’ai choisi de partager mon aventure sur les réseaux sociaux, Instagram en particulier, à travers une vidéo d’environ 1 minute par jour de voyage. L’objectif de ce compte était, par mon voyage, de sensibiliser à la beauté de la rencontre, et de cette manière, de mettre la lumière sur l’association Lazare. Lazare est une association qui met en place des collocations solidaires entre anciens sans abris et jeunes actifs, qui vivent donc au quotidien cette joie de la rencontre. Par mon compte Instagram, suivi par plus de 6000 personnes à l’issue de l’aventure, je souhaitais transmettre le message et la beauté de ce qui se vit chez Lazare, tout en incitant les personnes qui me suivaient à donner à l’association. J’ai ainsi ouvert une cagnotte pour Lazare qui a atteint 1500€.

Personnel, ensuite. Au-delà de cet aspect associatif, je souhaitais également vivre une aventure personnelle, en profitant de la césure pour vivre quelque chose que je n’aurais pas forcément l’occasion de vivre à d’autres périodes de ma vie. Je voulais apprendre à prendre le temps, à ne pas toujours être en contrôle de ma vie, à me laisser porter par les rencontres que je ferai. Surtout, j’avais à cœur de découvrir de nouvelles cultures, des manières de vivre et de penser différentes de ce que nous connaissons en France et en Europe. Et quel meilleur moyen de découvrir un pays qu’en embarquant en voiture avec des locaux ?

Pouvez-vous nous décrire le parcours de votre voyage ? Comment l’aviez-vous choisi ? Avez-vous pu le suivre ?

En amont du voyage, bien que le parcours spécifique ne soit pas précisément défini, par la nature aléatoire de l’autostop, j’avais en tête les quelques grandes lignes du parcours que voici :

1ère étape : Rejoindre Istanbul depuis Paris, en longeant la Méditerranée,

2ème étape : Traverser la Turquie,

3ème étape : Relier la Chine depuis l’Est de la Turquie. Cette étape était l’une des plus compliquée, étant donné les complications géopolitiques de la région. Trois options s’offraient à moi, dont les tracés sont indiqués sur la carte ci-dessous :

    • Le passage par l’Iran, puis le Pakistan et l’Inde, (en orange sur la carte) formellement déconseillé par le Ministère des Affaires étrangères : « L’Iran met en œuvre une politique délibérée de prise d’otages occidentaux et cible des ressortissants français de passage qu’il accuse d’espionnage. »
    • Le passage en Azerbaïdjan, puis la traversée de la Mer Caspienne en ferry jusqu’au Kazakhstan (en bleu sur la carte). Cette option n’est malheureusement plus praticable depuis 2019, l’Azerbaïdjan ayant fermé ses frontières terrestres.
    • Le passage par la Russie, le long de la Mer Caspienne, pour rejoindre Atyrau, à l’Est du Kazakhstan (en vert sur la carte). C’est l’option que j’ai choisie, la traversée de la Russie étant possible par l’obtention d’un visa de transit, autorisant 3 jours sur le territoire Russe.

4ème étape : Traverser l’Asie centrale,

5ème étape : Traverser la Chine, du Nord-Ouest au Sud-Est,

6ème étape : Rejoindre Hanoï.

C’est finalement bien ce parcours que j’ai suivi, dans les grandes lignes, avec quelques détours en fonction des voitures qui acceptaient de me prendre et des lieux culturels que je souhaitais visiter

Quelles rencontres vous ont marqué ?

Durant le voyage, mon quotidien était axé autour de la rencontre : pour avancer vers Hanoï, je dépendais de la générosité des personnes qui acceptaient de me prendre dans leur voiture. Si toutes les rencontres que j’ai faites ont été de belles leçons d’humanité et de générosité, et des occasions de mieux connaître la culture et l’histoire des pays traversés, certaines m’ont tout particulièrement marqué.

  • Daston est un camionneur kazakh qui m’a marqué par son sens du travail. Son rythme de vie est de 10 jours passés sur la route, pour subvenir aux besoins de sa femme et de ses deux filles, pour 24h passées chez lui, à Shymkent. Lorsqu’il est sur la route, son quotidien se résume à une quinzaine d’heures par jour au volant, interrompues par un unique repas dans la journée, lorsque la faim se fait sentir. Nous avons traversé ensemble 2000 km de steppes kazakhes, pouvant uniquement communiquer avec des gestes et les quelques mots que je connaissais en russe, c’était une expérience hors du commun.
  • Manu est d’origine tadjik et habite dans le Sud du Kazakhstan, près de la frontière avec l’Ouzbékistan. Il m’a hébergé chez lui et a pris soin de moi comme si j’étais son fils, m’emmenant découvrir son village et rencontrer ses amis. Son sens de l’hospitalité m’a bouleversé.
  • YangYan est un jeune chinois, parlant un anglais parfait car il a étudié aux Etats-Unis. Nous avons pu échanger sur nos visions très différentes de la liberté, du droit, et des qualités et défauts du fonctionnement politique chinois. Nos discussions m’ont permis d’élargir mes opinions et de mieux comprendre le quotidien de la vie en Chine.

Il y a de nombreuses autres rencontres qui m’ont fortement marqué, tant que je ne pourrais toute les citer, mais je retiens un élément essentiel : partout où j’étais, des gens m’ont ouvert leurs portes, ont pris soin de moi, se sont assuré que j’allais bien, et j’ai été très touché par ce sens profond d’humanité.

Avec Daston, chauffeur de camion kazakh, à la sortie de Shymkent
Manu, mon hôte pendant 24h, dans l'une des plus grandes mosquées du Kazakhstan.

Quels enseignements tirez-vous de votre projet ?

J’ai beaucoup appris durant ces quelques mois, que ce soit personnellement, culturellement, ou par les exemples d’hospitalité et de générosité que j’ai rencontrés. Cela étant dit, je pense que les enseignements principaux sont les suivants :

  • La réussite d’un projet ambitieux tient à deux éléments clés : beaucoup de préparation, et un peu de folie. En amont de mon voyage, je m’étais bien préparé (faisabilité de mon itinéraire, matériel nécessaire, etc.), mais je n’avais aucune idée de si j’arriverai à destination. Il m’a fallu me lancer, sur le bord du Boulevard St Germain, le pouce en l’air, malgré nombre de mes proches qui n’y croyaient pas.
  • Chaque problème a sa solution. J’ai rencontré beaucoup de difficultés au cours de mon périple, et même si certaines paraissent insurmontables, en prenant du recul, il y a toujours une manière d’arriver à ses fins.
  • Chaque rencontre peut nous faire grandir. Quel que soit le statut social, l’âge, l’origine, le métier, chaque personne que j’ai rencontrée m’a permis de grandir et d’apprendre, d’une manière ou d’une autre. Je rentre donc en cherchant, au quotidien, à apprendre de chacun.

Quelles sont les prochaines étapes après votre retour ?

Après mon retour, je dirais que la première grosse étape est d’accepter et d’apprécier le retour à une vie plus normale : le retour en cours, pour ma 3ème année à l’École, avec sa routine et son rythme parisien. J’aimerai également prendre du recul sur ce que j’ai vécu, et je réfléchi à écrire sur les rencontres que j’ai faites, les réflexions que j’ai pu avoir. L’objectif est d’écrire d’abord pour moi, pour ancrer ce que j’ai vécu, et ensuite, peut-être, pour le diffuser à un cercle plus ou moins restreint.
Dans tous les cas, je garde en tête de manière forte cette importance de la rencontre qui a été mon quotidien pendant plus de 4 mois, et que je souhaite continuer à vivre dans ma vie de tous les jours.

En quoi le soutien de la Fondation a-t-il été déterminant pour la réalisation de votre projet ?

Le soutien de la Fondation a été essentiel dans l’aspect associatif de mon projet. En effet, les fonds versés par la Fondation ont non seulement été un coup de pouce conséquent dans les frais du voyage, ils m’ont également permis d’acheter le matériel vidéo nécessaire pour partager au quotidien mes aventures.

Sans la Fondation, je serai parti quelque peu égoïstement sur les routes, pour vivre une aventure exclusivement personnelle.

Grâce à la Fondation, j’ai pu partager cette aventure, diffuser cette idée de la rencontre si chère à mes yeux, partager les découvertes, le lâcher prise et les difficultés de ce voyage. C’est de cette manière que j’ai aussi pu faire rayonner le message de Lazare, et récolter des fonds pour aider l’association à sortir les sans-abris de la rue. J’ai reçu de nombreux messages, au cours de mon voyage, de personnes qui, d’une manière ou d’une autre, ont appris, grandi, découvert, en suivant mes aventures sur les réseaux, et sans la Fondation, je n’aurais pas pu avoir un tel impact.